lundi 24 décembre 2007

dimanche 16 décembre 2007

Sandy monitrice

Quatorzième partie - JUIN 1998

Comment tout a commencé entre nous quatre

par: Sandy


Il était midi moins quart et j’avais réussi à laisser mon groupe de douze hyperactifs à une autre monitrice pendant ma grosse demie heure de dîner. Je lui avais dit que j’avais des commissions à faire. Elle n’avait pas oser refuser, mais m’avait regardé m’éloigner avec des yeux de beagles en retenant par un bras un des petits Kaïds qui tentait de défouler son surplus d’énergie sur une petite ronde pleines de tâches de rousseurs.

J’entrai dans le bureau et poussai un soupir de soulagement en fermant la porte derrière moi. Les bruits constants de cris et de jacassements d’enfants s’étouffèrent momentanément. Ce n’était plus qu’un bourdonnement lointain et je me sentais comme en sécurité. Comme enfermée dans un sas blindé pendant que la bombe atomique explosait. Je tombai littéralement sur la chaise, la tête renversée par derrière. Nous étions à la mi-journée et j’avais déjà le cerveau enflé comme une pastèque. Je n’en pouvais plus de chanter, de danser, d’inventer des histoires et de me battre contre les esprits contrôlé par des consoles Nintendo ou Playstation pour qu’ils croient un peu à la magie, non pré-fabriquée, que je tentais de leur inventer. Je n’en pouvais plus d’être une machine à interdictions : « Non, ne fais pas ça! » , « Arrête de te battre… » « Ne cours pas! », « Arrête de pousser tout le temps! » Je n’en pouvais plus de ces parents débiles qui mettaient toutes sortes d’idées préconçues dans la tête de leurs enfants. Ce matin encore, devant mes yeux, il y a ce petit homme, Kevin, un robuste gaillard de huit ans qui est déjà deux fois plus gros que tous les autres, qui traitait mon petit Jean-Philippe de « tapette ». Comme ça. Sans raison apparente, il se met à l’insulter. Je lui dis d’arrêter. Il me regarde avec ses petits yeux provocants qui semblent me mettre au défi. Je commence à lui expliquer le respect des autres, qu’on ne fait pas aux autres ce qu’on ne voudrait que l’on nous fasse. Je lui demande s’il aimerait ça qu’on le traite de tapette, aussi. Il me répond, avec son petit air arrogant : « Moi j’suis un homme, pas une tapette! Parce que moé, j’suis fort pis je pleure pas tout le temps! » J’ai eu l’envie folle de le frapper. De lui crier que déjà à huit ans, il était un gros con. J’ai pensé : « Sors de ton trou d’Hochellaga, pis viens faire un tour dans le Village, Ti-cul, tu vas voir que des gros bras, sûr d’eux-autres comme toi, il y en a des tonnes! » Mais, évidemment, Jean-Philippe, à côté de moi, pleurait à chaudes larmes, ce qui faisait rire tous les autres macaques hyperactifs encore plus fort. Je ne m'avouais pas vaincue. Je leur servis un discours sur l’entraide et sur les préjugés. Je leur ai dit que c’était très étroit d’esprit et qu’ils n’iraient pas loin avec ce genre d’attitude. J’en pris cinq, parmi ceux qui riaient les plus fort, plus Kevin le Terrible et je leur interdis la piscine dans l’après-midi. Le reste de ma matinée se passa dans un calme froid. Je savais qu’ils mijotaient leur vengeance et que demain j’aurais au moins cinq plaintes sur mon bureau. J’avais commencé ce boulot avec la même idée que tout le monde ont des enfants. Vous savez la chanson : « Un enfant, ça vous décroche un rêve..." Je pensais que les enfants ça rêvaient, que ça jouaient, que ça riaient de bon cœur… Maintenant, je sais que la société Nord- Américaine créait des mutants. Des enfants « bof ». Maintenant, les enfants sont ennuyeux comme le canal Météo. Ils ne pensent plus qu’en symboles de jeux vidéos. Ils n’imaginent plus, ils reproduisent ce qu’on leur vend. Les petits garçons se prennent presque tous pour des Ninjas et font constamment des pirouettes (ratées) en pensant qu’ils font des super-savates à la Jean-Claude Van Damm. Les petites filles sont toutes des petites Spice Girl. Elles sont sexy sans savoir ce que ça signifie. Le nombre de blessures à la cheville au camp cet été est hallucinant et il n’y a qu’une raison : Elles viennent s’amuser avec des sandales à semelles compensées! On a tué l’imagination. On a tué Fanfreluche! Et moi, je me bas pour un salaire de misère pour imaginer des chasses aux trésors qui tombent à l’eau ou des Olympiades qui tournent à vide…

Je redressai ma tête, complètement désabusée par la vie en cette fin de siècle. Je regardai le téléphone. Je sortis de la poche de mon bermuda fleuris le petit bout de papier où j’avais écrit le numéro de May. Je regardai l’heure : Midi moins cinq. C’était sûrement l’heure idéale pour l’appeler. Elle ne serait pas là, alors je pourrais lui laisser un message. Je décrochai. Je racrochai. Si elle avait une heure de dîner et qu’elle rentrait chez elle pour manger, elle décrocherait. Je serais obligé de lui parler. Je reposai le combiné. Je détestais ces moments de doute. J’avais tellement peur de faire un faux mouvement que j’aimais souvent mieux ne rien faire. Ça me glaçait le sang…

Bon, allons! Du courage, que je me suis dit. Je décrochai et me mis à composer le numéro. Plus personne ne va manger chez lui de nos jours. Tout le monde est trop pressé. Tout le monde ont des lunchs ou vont au resto. Soudain, je raccrochai. Et si c’était sa journée de congé? Non, personne n’a sa journée de congé un jeudi, comme ça, en plein milieu de la semaine. « Sandy, me dis-je dans ma tête, tu es une femme ou un semblant de femme? » J’inspirai un grand coup d’air climatisé et je décrochai. Mes doigts tremblaient au moindre numéro appuyé, au septième, mon cœur battait aussi fort que celui d’une vierge la nuit de ses noces. Une sonnerie. Ouf! Pas de réponses. Deux sonneries. Ça va bien, toujours pas de réponses. Trois son…
--- Allo?
--- Heu… Allo … (silence)
--- Oui?
--- Je voudrais parler à… Est-ce que May est là?
--- Non. Est-ce que je peux prendre le message?
C’était bien ma chance. Une coloc qui prend les messages. Je savais ce qui m’attendait, soit en lui remettant le message, elle passe un commentaire désobligeant du genre : « Y’a une fille qui t’a appelé. Elle a vraiment une voix de violon mal accordé! » ou encore : « Sandy t’a rappelé. Sandy, c’est celle d’hier ou celle de la semaine passée? » ou encore pire : « Il y a une Cindy qui a téléphoné. J’ai écrit son numéro sur un bout de papier, mais je ne sais plus où il est. » On ne peut pas compter sur une colocataire. Surtout elle. À sa voix, je savais bien qu’il s’agissait d’une ex à May. Une ex un peu jalouse, qui se spécialise dans le sabotages des nouvelles rencontres. « Been there, done That! »
---Heu… Non, merci… je…
---Est-ce que tu es Sandy?
--- Heu… Oui…
--- Ho! Écoute, May répète jusqu’à cinq heures et après elle va souper avec sa mère, mais elle tenait tellement à ce que je te dise qu’elle sera au karaoké. Elle aimerait ça que tu viennes la rejoindre, ce soir.
--- Ha! Le karaoké dans le Village? Répétais-je, un peu bouche bée.
--- Ben oui! Lequel tu veux que ce soit? Écoute, elle arrête pas de parler de toi. Tout le temps à demander si tu l’as rappelé…
Les mots en cascades de la coloc s’enchaînaient à un rythme fou. Elle ne cessait d’accélérer son débit. J’avais l’impression qu’elle ne respirait pas. Je l’imaginai devenir bleu et ensuite violet tout en déboulant les phrases l'une après l’autre. Comme si la fin du monde était pour la prochaine minute. Je la coupai.
--- J’ai failli l’appeler hier, mais… Je n’ai pas eu une minute à moi.
--- Elle comprend. Elle va être folle de joie que tu l’ai rappelée. Alors? Est-ce qu’on se voit ce soir?
« On se voit? » que je me suis dit dans ma tête. Elle va être là?
--- Je pense que oui.

Tout le reste se passe comme dans un souffle, un peu brumeux, et ensuite l’éclaircie. Dédé, elle s’appelait Dédé, la coloc, me raconta que May pratiquait pour une création de danse contemporaine avec d’autres danseurs récemment diplômés. Elle me raconta qu’aussi, les jeudis au Karaoké étaient sacré pour son groupe d’amis danseurs, comme la messe le dimanche l’était pour nos grands-mères. Elle me raconta tout de la vie de May. Elle me tenue au téléphone pendant toute la demie heure de ma pause. Je raccrochai enfin. À bout de souffle. Mais ma poitrine s’emplit d’une douce chaleur. Comme celle qu'on ressent avec le soleil du printemps lors des premières journée de beau temps en Avril.

La vie est bien faite quand même. Maximum, à qui j’avais parlé ce matin même en prenant mon café, m’avait annoncé qu’il me préparait deux surprises. Il n’avait pas dormi de la nuit, mais il avait trouvé la solution pour faire manquer à Vicking sa nuit au dépanneur. De plus, il nous préparait lui aussi une surprise de taille. Sans vouloir m’en dire plus, il avait raccroché en me souhaitant « Bonne journée! »

J’avais très vite composé le numéro de Flo pour m’assurer qu’ils viendraient. J’avais attrapé Pepper, la voix encore enrouée. Elle aussi avait mal dormi. Tout en écoutant à moitié son histoire de cauchemar et de patronne méchante, qui ressemblait étrangement à la belle-mère de Blanche-Neige, je réussis à la convaincre de venir chanter avec nous et surtout d’y amener Flo. Pepper n’était jamais partante au début. C'est pour cette raison que je la connaissait vraiment pas beaucoup! Elle ne sortait jamais! C’était le genre de fille qui doit se faire supplier avant de dire oui. Elle ronchonne quand on essaie de la sortir de son petit confort, mais elle n’était pas trop difficile à convaincre. Elle me dit un « Bon, d’accord! » en soupirant bruyamment et j'entendis sa cuillère tinter sur le rebord de sa tasse pleine de café fumant. Flo sorti de la douche et il eut le temps de m’embrasser par combinés interposé avant que Pepper ne raccroche. Flo semblait en forme, même s’il allait travailler à son Club vidéo. Il devait se douter de nos plans et ça le rendait de bonne humeur de s’y abandonner.

Moi aussi, je m’abandonnais aux plans du destin. Il faisait une chaleur à tuer dehors. Les premiers jours d’un été qui s’annonçait chaud. Ce soir, tous les espoirs étaient permis. Je me levai en ayant l’impression d’oublier quelque chose. J’ouvris la porte. Le vacarme du camp de jour me sauta à la gorge comme une lionne s’attaque à une proie affaiblie. Je fis trois pas et déjà mes mains furent prises prisonnière par deux petites mains moite, une pleine de chocolat, l’autre de, je n’ose imaginer quoi… Je regardai mes escortes. C’était mes jumelles « scotchtape ». Leur sûrnom venait du fait que ces deux petites puces prenaient les moniteurs littéralement en otage. Elles étaient adorables avec leurs longs boudins noirs qui leur tombaient sur les épaules. Elles me regardaient de leurs yeux de jade.
--- Où t’étais? Me demanda l’une d’elles.
C’est quand même beau un enfant!

--- TAPETTE! TAPETTE!!!

Je lâchai les mains des jumelles et je pris l’allure d’une sprinteuse à la recherche de la ligne d’arrivée. Je tournai dans la salle d’Arts Plastiques. J’attrapai Kevin d’un seul élan de la main par la nuque et je serrai.
--- Tu me fais mal! Lâche-moi! Me cria-t-il.
J’étais hors de moi. Je serrai plus fort.
--- Je te lâcherai quand tu auras compris que…
---J’vas le dire à mon père!
--- Ton père me fait pas peur, Kevin! Je veux juste que tu comprennes une fois pour toute que…
--- T’es pas le boss icitte!
--- Toé non plus, Ti-cul! T’es loin d’être le boss… Pis tu vas me dire pourquoi tu arrêtes pas de dire des choses méchantes… Je t’ai dis cent fois d’arrêter!
Kevin devenait peu à peu presque attendrissant. Il retenait ses larmes. Toutes les 30 paires d’yeux étaient rivées sur nous. Les trois paires des autres monitrices aussi.
--- Jean-Philippe a mis du rose dans son dessin. C’est les filles ou les tapettes qui mettent du rose dans leur dessin.
---Qui qui t’as dit ça?
--- Mon père. Mon père y veut pas que je mette du rose dans mes dessins!
Je ne me demandais plus si je devais punir l’enfant. Je me demandais comment tuer le père!


... Et c'est ce soirlà que notre amitié à quatre a vraiment pris tout son sens...

lundi 10 décembre 2007

Max hétéro

Treizième partie - JUIN 1998

Comment tout a commencé entre nous quatre

par: Maximum


Le réveil matin digital indiquait 3H28 AM. Je n’avais pas encore fermé l’œil. Je ne paniquais pas parce que je savais que je pourrais passer toute la journée de demain à dormir si je le voulais. Et en plus, j’étais si bien! M. était couché contre moi. Son corps épousant entièrement mon dos enroulé et mes jambes relâchées, dans cette position de cuillère, qui me sécurisait tant. Il y avait le bout de ses doigts glissés tout doucement sous l’élastique de mon caleçon, juste posé sur le début de ma pilosité pubienne. C’était le plus loin que nous allions ensemble dans l’érotisme. Rien de plus, une économie de mots, une économie de gestes aussi, seulement des nuits entières couchés en cuillère.

Après avoir cherché une solution avec Vicking pour qu’il nous accompagne demain soir au karaoké, nous en étions venu à l’affreuse réalité de son boulot de nuit : Il n’y avait personne pour le remplacer. Il était irremplaçable. Pieds et poings liés à son comptoir de dépanneur. Vicking était reparti chez lui, visiblement résolu à l’échec, mais je n’avais pas dit mon dernier mot. Vers 20h00, j’avais attrapé un affreux cafard. Je faisais tout pour rassembler deux mecs, j’avais une nouvelle amie que j’appréciais grandement, mais qui avait une future conquête en vue… Et moi, je n’avais rien. Que du vent! Depuis mon coming out, je n’avais jamais eu d’histoire d’amour, sauf M. Mais M. me faisait plus de mal que de bien. C’était mon ex, la femme de ma vie, April, que j’avais rencontré au cegep, qui me l’avait présenté. April était une belle anglophone intellectuelle, intelligente et fine. Ça avait été un coup de foudre d’idées. Elle avait été séduite par mes réflexions acides sur la vie et sur le monde. Elle m’avait demandé, au début, si je m’étais déjà posé la question, à savoir si j’étais gai. Bien sûr que je me l’étais déjà posé. Je cachais des revues d’hommes à poils sous mon matelas depuis des années! Mais je ne lui aurais jamais avoué ça! J’aurais tellement voulu être normal. Pour toute réponse, je l’avais embrassé. Nous étions resté deux ans ensemble. Notre relation fut franche (autant que cela se pouvait) et ouverte. Je l’aimais beaucoup et je lui disais souvent. Elle me croyait. Je le lui dis encore souvent. Elle me croit encore. Au début de notre relation, mes hormones dans le plafond aidant, je lui faisais l’amour souvent, autant de fois que je voulais combattre mon désir pour les hommes. Ensuite, je me suis de plus en plus masturbé en cachette, devant des hommes en papier glacés et ensuite devant des films de cul… On ne faisait presque plus l’amour. Je faisais semblant de dormir quand elle se couchait le soir… Et puis, l’inévitable arriva. Il y eu les pulsions incontrôlables d’aller vérifier en chair et en os. Je passais souvent dans le village. Je voyais les saunas, mais je n’osais pas y entrer… J’avais entendu parler des buissons au Parc Lafontaine ou encore ceux du Mont Royal, mais je n’osais pas y aller. J’ai jamais été très courageux. Finalement, au lieu d’aller à un de mes cours du soir que j’avais pris à l’UQAM, je suis aller m’enfiler trois shooters à l’Après cours et je suis aller errer dans le Village. Il était presque 22 heures quand je me suis décidé à entrer dans un sauna. Ça faisait presque quatre heures que je tournais en rond, que je m’arrêtais dans un bar, le temps de m’enfiler d’autres shooters… Et finalement, j’entre, je ne regarde jamais le gars derrière son comptoir qui me pose des questions auxquelles je réponds toujours oui. Il me donne une clé, un numéro et une serviette. Je le regarde. Il me sourit, l’air attendrit. Il est beau comme un Dieu. Je monte les escaliers. Je remarque une chose : Le silence. J’ai peur, mais je suis excité comme une jeune mariée. Je suis resté 15 minutes en tout. Mon premier amant fut une histoire de quelques minutes. Une histoire de respirations toujours plus fortes et d’un « climax » incroyable. Du silence et des frissons après. J’ai toujours eu les yeux qui voyaient très bien dans la pénombre, mais je n’ai photographié aucun visage. Je crois même que j’ai eu les yeux fermés tout le long. C’était devenu une habitude, avec April, je fermais les yeux et j’imaginais que j’étais avec un de mes modèles de revue ou un des acteurs pornos vus dans un de mes films. Déformation professionnelle! La seule différence, cette première fois-là, c’est que ce que mes mains touchaient correspondait à mes fantasmes… J’étais sûrement venu très vite… Trop vite. Je m’étais sauvé en courant, en oubliant de redonner la serviette blanche (que je garde toujours en souvenir.) Mes expériences silencieuses étaient espacées de plusieurs jours, souvent des semaines au début. Jusqu’à ce que, par un vrai hasard, j’aille aux toilettes publiques au sous-sol du pavillon Judith Jasmin à l’UQAM. Ce qui se passa sous les néons impudiques de ces toilettes me fascina. Un superbe latino était aux urinoirs. Je m’y installe. Je sens qu’il me regarde. Je regarde en détournant à peine la tête. Il me montre sa queue bandée et se masturbe. Je suis figé. Il s’approche de moi et m’embrasse fougueusement. La peur de se faire attraper, mêlé à sa presqu’insolence me fit perdre la raison. Ça ne dura encore que quelques minutes, mais je l’avais regardé tout le long. Il était parti très vite en me disant en espagnol qu’il aimerait me revoir… Je crus que j’étais amoureux pour la première fois. Je crus que c’était l’homme de ma vie. Mon prince charmant. Je me mis à faire des détours par l’UQAM, à rester des heures aux toilettes, à l’attendre. Je le revis plusieurs fois. Je connus d’autres hommes. Je rentrais de plus en plus tard, le soir, chez moi. J'habitais avec April et nous commencions notre 3e années de couple dans un petit quatre et demi au métro Laurier. Elle commençait à se douter de quelque chose. En plus, j’étais très mauvais menteur. Je lui cachais à peine la vérité. En fait, j’espérais qu’elle le découvre et qu’elle me quitte, au lieu d’avoir à programmer un souper ou j’aurais à verbaliser ce que je suis. J’étais habitué au silence. Trop. Je n’arrivais plus à me concentrer sur mes devoirs. J’étais crevé, agressif même. Mon esprit n’était habité que par des tonnes et des tonnes de queues, de fesses bondées, de torses poilus, de couilles rasées…

N’en pouvant plus, je décidai de jouer la carte de l’honnêteté avec cette femme que j’étais en train de blesser sévèrement, alors que je l’aimais sincèrement, quand même! Je ne voulais pas la perdre. Décidé à lui parler de mes dernières découvertes, je lui avais acheté un énorme bouquet de roses jaunes (je m’étais toujours demandé dans quelle occasion on pouvait bien offrir des roses jaunes, cette occasion c’était présentée. Pathétiquement!) et j’étais entré tôt à l’appartement. Renonçant à mes amants potentiels de ce soir-là. Non sans regrets (J’espérais toujours revoir mon bel étalon espagnol. Ça faisait des semaines que je ne l’avais pas revu. J’étais un peu désespéré.) Mais avec la conviction profonde que c’est ce que je devais faire.

April avait lu en moi. Depuis longtemps. C’était une complice merveilleuse. Elle m’attendait avec un souper spécialement fait pour parler longtemps : Une fondue. Elle avait choisi des bouts de poitrines de poulets, prétextant que le bœuf se mangeait très mal avec le vin blanc. Je lui avais répondu qu’elle aurait dû acheter du vin rouge, qu’en fait, nous préférions tous les deux le rouge. Elle me regarda et rétorqua :
--- Le vin rouge c'est pour le making love, le vin blanc, it's for conversation… We have to talk.
J’en avais avalé ma pomme d’Adam. Elle m’avait tant donné. Avec elle, j’avais appris que j’étais un homme, un vrai homme qui peut plaire. Au fil des premiers mois avec elle, j’avais perdu mes rondeurs latentes de l’enfance et de l’adolescence. Je n’avais plus été le « petit gros », mais un homme presque bien dans sa peau. À mon grand étonnement, elle ne m’avait pas acculé au pied du mur. Elle attendait que je lui parle de ce qui m’avait tant changé dans les derniers mois. Je le savais. J’essayais de trouver une phrase magique pour détendre l’atmosphère. Le silence se prolongeait. Le silence était une chose assez rare entre nous deux, moins depuis les derniers mois, mais un silence comme celui-là, c’était la première fois. Nous avions la réputation d’être deux verbomoteurs. Je me lançai finalement, avec une phrase qui en valait bien une autre :
--- Tu te doutes de quelque chose?
--- Non. Je sais, Maximum. Me répondit-elle sèchement. J’attends juste que tu te décides à m’en parler parce que je ne suis plus heureuse dans cette situation.
--- Moi non plus.
--- Alors? Tu attends quoi pour me le dire?
C’était une des grandes qualité de April, elle respectait toujours l’évolution de chacun. Surtout celle des êtres qu’elle aimait. Je me lançai.
--- Écoute, ce n’est pas une autre femme.
--- I khow.
Je croyais la soulager un moment, mais au contraire, elle attendait le reste avec la même expressive de douceur mêlée de détresse dans le fond de l’âme.
--- April, tu vois trop clair en moi… Tu sais ce qui se passe…
--- Il faut que tu le dises.
--- Pourquoi?
--- J’ai l’impression que tu seras jamais toi si tu le verbalises jamais… Tu m’inquiètes, tu sais? Arrêtes de penser à moi. Qu'est-ce qui se passe, Max?
--- Je… J’aime les hommes, April.

Au lieu de fondre en larmes ou quelque chose du genre, comme je l’aurais imaginé, elle sourit. Elle prit une de mes mains et me regarda droit dans les yeux. Elle me dit que ça faisait des mois qu’elle avait trouvé la cachette où je camouflais mes fantasmes. Qu’elle l’avait toujours su dans le fond. Et qu’elle était une excellente « pratique » en ce moment pour sa sœur qui finissait un BAC en psychologie.

La suite du souper fut assez détendue. Nous parlâmes comme si nous étions les plus vieux amis du monde. Elle écouta, rayonnante, toutes mes histoires d’un soir, mes escapades furtives, presque sans broncher. Elle versa quelques larmes. Moi aussi. Mais elle me disait de continuer. En vidant la troisième bouteille de blanc, elle me dit :
--- Maintenant que tu l'as dit, que tu ne me mens plus, que tu ne te mens plus non plus, il faut que tu arrêtes de t’éparpiller de la sorte. Tu sais ce qui serait merveilleux? Ce serait que tu rencontres un homme qui va te donner autant que tu sais donner. Un homme qui va t’aimer comme moi je t’aime… Enfin, je veux dire…
Ses yeux se remplirent d’eau très vite. De grandes rivières envahirent ses joues.
--- But, continua-t-elle, je serai toujours là, tant que tu auras besoin de moi.
--- Mais toi, tu…
--- T ‘en fais pas pour moi. Je suis moins désemparée que tu peux le penser.
En fait, elle avait déjà quelqu’un d’autre en vue. Un nouvel employé à son travail qui lui tournait autour depuis des mois. Elle le trouvait très intéressant. Et il était tenace, c’était une qualité. Elle avait accepté un rendez-vous avec lui la veille de notre conversation.

C’était cette semaine-là où j’avais appelé Flo dans l’espoir qu’il soit un compagnon d’exploration. April fut consciente que j’avais besoin de sentir qu’il y avait toujours quelqu’un dans ma vie. Et elle vint explorer les bars du Village avec moi. Elle accepta de rester l’image de ma femme devant ma mère encore pendant un bon moment. Jusqu’à ce que mon père vienne à Montréal et qu’il nous invite à un souper. C’était le temps des fêtes et la tradition voulait qu’il invite ma mère pour le souper de noël à chaque année. Toute ma famille était donc là. April me tenait la main pendant que je disais à mes parents que j’étais gai. Mon père ne le prit pas mal. Au contraire, il me dit simplement qu’il était conscient de n’avoir pas été beaucoup là et qu’il était donc très mal placé pour faire des remarques. Il ajouta qu’à l’étranger, beaucoup de ses collègues étaient gais et qu’il les appréciait beaucoup. Ma mère se leva, très droite, et elle partie s’enfermer dans les toilettes. C’est April qui alla la rejoindre. Elles restèrent là pendant trois quarts d’heure. Quand elle revinrent, ma mère me prit dans ses bras. Nous mangeâmes nos desserts en silence. Ce fut dans les bras de April que je pleurai ce soir-là.

M. était un cousin de April. Je l’avais souvent vu et il me plaisait beaucoup, même avant de le savoir. Quand April parti pour continuer ses études à Londres, c’est un peu à lui qu’elle me confia. Il vint avec moi la reconduire à l’aéroport. Quand elle passa derrière les portes vitrées et que je la vis retenir ses larmes, il me prit par l’épaule et me demanda avec sa voix rauque si je voulais venir avec lui prendre un verre. Je l’avais suivi. Il habitait un vieux loft sur la rue Ontario. Cet endroit lui servait à la fois d’appartement et à la fois d’atelier. Il était peintre. Il ne parlait pas beaucoup. Mais il était là. Il m’accueillait chez lui, sans dire un mot et nous dormions en cuillère. J’avais essayé d'aller plus loin au début, mais il avortait toujours l’action. Pas qu’il n’était pas gai. Il était en fait bisexuel. Il avait eu une vie sexuelle très active, avec énormément d’expériences… Et maintenant, il ne baisait plus. Ou presque plus. Il me parla, un soir de téquila dans son loft, qu’il avait découvert que l’énergie créatrice qui le faisait peindre était la même énergie que l’énergie sexuelle. Il se trouvait, et voulait y demeurer, dans cette phase de création complète. Une fusion parfaite avec son art. Il me parla aussi de tantrisme, de méditation, mais tout cela est très vague. J’avais trop bu. Je m’endormis par terre, et me réveillai le lendemain dans ses bras.

La version de April sur son cousin était qu’il avait été très amoureux d’un homme, voici une dizaine d’année. À l’époque, il était au début de sa vingtaine, il prenait beaucoup de drogues et il y avait cet homme. Une passion dévorante qui laisse inévitablement des séquelles parce que cet amour frappe aussi fort qu’une collision à 200 km/h en moto contre un poids lourd. M. avait décidé d’arrêter d’aimer après sa cure de désintoxication.

Un soir, il m’avait dit, entre deux pofs de joints : « Je t’aime bien, tu sais. » C’est ce soir-là où il glissa pour la première fois ses doigts sous l’élastique de mon caleçon. Comme cette nuit. Sauf que cette nuit, et c’était comme ça depuis quelques semaines, ce n’était pas moi qui allais sonner à sa porte parce que j’avais le cafard, c’était lui qui venait sonner chez moi. Ce soir, ça avait tombé pile. J’avais besoin de lui. Il était trois heures et 46 minutes. Son sexe, tout dur à travers ses boxers shorts, était posé tout doucement sur la raie de mes fesses. Mon sexe devint tout dur aussi. Je pris un de ses bras dans les miens et je le serrai contre mon cœur. Il parla :
--- Tu ne dors pas?
--- Oui, oui… Je rêve. »

P.S. Je crois qu'aujourd'hui, dix ans plus tard, April est la plus heureuse du monde de savoir que j'ai enfin trouvé l'amour avec mon beau grand black... Nous allons passer els fêtes à London. je ne l'ai pas revu depuis 5 ans!

samedi 1 décembre 2007

La vieillesse...

Douzième partie - JUIN 1998

Comment tout a commencé entre nous quatre

par: Pepper


"J’avais raconté ma journée de merde au bureau. Moi contre une nouvelle patronne tyrannique. J’en avais même rajouté un peu, pour faire un peu de piquant, à Mini. J’aimais bien parler à Mini. C’était une femme d’expérience, une femme libre, qui travaillait comme réceptionniste dans un bureau de dentistes depuis la fin des années 70. Elle s’était adaptée à l’arrivée des nouvelles technologies et maintenant, elle connaissait mieux les ordinateurs que moi. Elle avait toujours pleins de conseils à donner en ce qui à trait aux patrons difficiles ou aux situations délicates. Elle m’avait annoncé à brûle pourpoint qu’elle pensait prendre sa retraite d’ici deux ans. Je lui avais répondu qu’elle avait bien le temps d’y penser encore. Et elle m’avait répondue :
--- Ma petite Pepper, j’ai 62 ans. Je me disais que ce serait assez bon de prendre ma retraite en l’an 2000. Ça serait un peu comme un début… Une nouvelle ère pour moi aussi…

Je n’en étais pas revenu. Mini allait avoir presque 65 ans à l’an 2000. Non, je ne pouvais pas me faire à l’idée. Elle était encore tellement en forme.

J’entrai dans la cuisine. Big fat cat était monté sur le comptoir et buvait à même le robinet de l’évier.
---Flo! Je t’ai dit mille fois d’arrêter de donner cette mauvaise habitude au chat. Ça m’écoeure!
Je soulevai l’énorme animal par le ventre et je le déposai par terre. Il miaula en signe de protestation. Il fit trois tours autour des pattes d’une des chaises et finalement monta sur sa voisine. Il entreprit sa toilette. Flo se grattait une fesse, debout devant le frigo grand ouvert.
--- Oh! C’est pas si grave.
--- Si tu ne lui ouvre plus l’eau, il perdra cette habitude débile.
Flo ne répondit pas.
--- Tu savais que Mini pense prendre sa retraite? Demandais-je, histoire de recréer un contact sympathique.
--- Bof! Elle en parle, mais avant qu’elle le fasse…
--- Elle m’a annoncée tout à l’heure qu’elle allait avoir 65 ans dans deux ans.
--- Ben oui, elle est née en 35! Me répondit-il, presque énervé, avec un soupir dans la voix. Tu as faim, Pepper?
--- Oui. Tu veux qu’on se fasse quelque chose en commun?
--- Ça serait cool.
--- Mais tu participes! Je veux pas tout faire toute seule. Je suis pas ta bonne!
--- Ben oui! Me répondit-il en s’asseyant. T’es ben rochante aujourd’hui!
Je ne l’écoutais pas.
--- Tu te rends compte? 65 ans! C’est tellement vieux! Pis Mini a l’air tellement jeune. Elle est encore toute mince.
--- Elle a quand même un petit ventre.
--- Pis ses beaux cheveux noirs au carré…
--- Elle se teint!
--- Elle est à peine ridée!
--- T’as jamais remarqué son cou? Elle a la peau du cou qui commence à tirer vers le bas. Pis elle a des petites bajoues de St-Bernard, un peu…
--- Arrêtes! Ta mère a pas l’air d’une personne du troisième âge!
--- Bon! Qu’est-ce que tu essaies de me dire? Que ma mère devrait faire changer sa date de naissance?
Flo était énervé et je ne comprenais pas pourquoi.
--- C’est juste que Mini… Mini… J’avais jamais réalisé que… Te rends-tu compte que ma grand-mère est presque du même âge que ta mère?
--- Ben voyons!
--- Ma grand-mère s’est mariée à 16 ans. Elle était enceinte de ma mère. C’est fou!
--- Oui.
--- Mais ce que je veux dire c’est que ma grand-mère a l’air d’avoir au moins 20 ans de plus que Mini. C’est fou! Regarde!
Je courus dans ma chambre ramasser un portrait de famille pris l’été dernier qui était encadré sur mon bureau. Je le montrai à Flo.
--- Mais tu peux pas comparer. Ta grand-mère a eue 15 enfants sur une terre en Gaspésie
--- Regarde! Elle est grosse, toute ridée, les cheveux gris… Pis regarde ses jambes… Il y a pleins de veines bleues pis de plaques…
--- Elles n’ont pas eu la même vie. Ta grand-mère a vécu à la dure. Mini, c’est une petite femme de ville qui a toujours pris soin d’elle. Elle s’est toujours arrangée pour aller chez l’esthéticienne régulièrement…

Flo se leva et retourna au frigo. Le travail n’avançait pas assez vite pour lui. Il me demanda si j’avais le goût de manger un spaghetti, sauce à la viande de Mini (étant donné qu’on parlait d’elle.) Je dis oui, en repensant immédiatement après aux trois plis sur mon ventre, aux pâtes qui tuent et au gros ventre de ma grand-mère Gaspésienne. Je me retournai et j’entrepris de faire la vaisselle qui traînait-là depuis la veille et l’autre veille et l’autre veille. Nous avions besoin de deux chaudrons. Mon coloc sortit la sauce et regarda pour les pâtes. Il râpa du fromage, pendant que j’essuyais les chaudrons nécessaires. Je n’en revenais toujours pas. Je crois que c’est à ce moment que je compris que je deviendrais vieille un jour. Enfin, je le savais, tout le monde le sait, mais ce que je veux dire c’est que maintenant, tout en frottant des assiettes à la chaîne, je le sentais en moi. Dans mon ventre. Chaque instant me rendait encore un peu plus vieille.

Quand j’avais connu Mini, je l’avais imaginé dans la cinquantaine. Jeune cinquantaine! Ce qui était le plus terrible, c'est que je voyais « live » une amie (parce que je considérais Mini comme mon amie.) basculer dans la vieillesse. Je ne pouvais rien y faire. Je ne pouvais pas lui tendre la main pour la sortir du gouffre où elle glissait… C’était la dure réalité de la vie. Welcome to life, baby! On vieillissait et un jour, nos corps fatigués mouraient. On n’y pouvait rien. C’était comme ça! C'est la première fois de ma vie où j'ai compris que ma mère à moi aussi mourrait un jour...

Je mangeai mon spaghetti en silence et Flo, Le chat et moi avons regardé un film avec Catherine Hepburn et Peter Fonda, « la maison sur le lac » - Un film, justement, sur un couple de 80 quelques années, qui vit un de ses derniers été de vacances dans leur chalet, après quelques 60 ans de vie commune. En regardant Peter Fonda avoir un malaise dans les bras de sa vieille femme paniquée, mais impuissante, je ne pu retenir mes larmes. Je partis me coucher avant la fin. J’eue de la difficulté à m’endormir et quand j’y réussi enfin, je rêvai que je me tenais devant un grand miroir et que mon reflet vieillissait en accéléré. Arrivée à un point où je n’étais plus qu’une femme squelettique presque momifiée, une porte s’ouvrit derrière moi et une silhouette noire tenant une grande faux se tenait à contre jour. Je me réveillai dans un cris. La nuit était noire. Il était trois heures et quart. Je ne pu me rendormir."