lundi 10 décembre 2007

Max hétéro

Treizième partie - JUIN 1998

Comment tout a commencé entre nous quatre

par: Maximum


Le réveil matin digital indiquait 3H28 AM. Je n’avais pas encore fermé l’œil. Je ne paniquais pas parce que je savais que je pourrais passer toute la journée de demain à dormir si je le voulais. Et en plus, j’étais si bien! M. était couché contre moi. Son corps épousant entièrement mon dos enroulé et mes jambes relâchées, dans cette position de cuillère, qui me sécurisait tant. Il y avait le bout de ses doigts glissés tout doucement sous l’élastique de mon caleçon, juste posé sur le début de ma pilosité pubienne. C’était le plus loin que nous allions ensemble dans l’érotisme. Rien de plus, une économie de mots, une économie de gestes aussi, seulement des nuits entières couchés en cuillère.

Après avoir cherché une solution avec Vicking pour qu’il nous accompagne demain soir au karaoké, nous en étions venu à l’affreuse réalité de son boulot de nuit : Il n’y avait personne pour le remplacer. Il était irremplaçable. Pieds et poings liés à son comptoir de dépanneur. Vicking était reparti chez lui, visiblement résolu à l’échec, mais je n’avais pas dit mon dernier mot. Vers 20h00, j’avais attrapé un affreux cafard. Je faisais tout pour rassembler deux mecs, j’avais une nouvelle amie que j’appréciais grandement, mais qui avait une future conquête en vue… Et moi, je n’avais rien. Que du vent! Depuis mon coming out, je n’avais jamais eu d’histoire d’amour, sauf M. Mais M. me faisait plus de mal que de bien. C’était mon ex, la femme de ma vie, April, que j’avais rencontré au cegep, qui me l’avait présenté. April était une belle anglophone intellectuelle, intelligente et fine. Ça avait été un coup de foudre d’idées. Elle avait été séduite par mes réflexions acides sur la vie et sur le monde. Elle m’avait demandé, au début, si je m’étais déjà posé la question, à savoir si j’étais gai. Bien sûr que je me l’étais déjà posé. Je cachais des revues d’hommes à poils sous mon matelas depuis des années! Mais je ne lui aurais jamais avoué ça! J’aurais tellement voulu être normal. Pour toute réponse, je l’avais embrassé. Nous étions resté deux ans ensemble. Notre relation fut franche (autant que cela se pouvait) et ouverte. Je l’aimais beaucoup et je lui disais souvent. Elle me croyait. Je le lui dis encore souvent. Elle me croit encore. Au début de notre relation, mes hormones dans le plafond aidant, je lui faisais l’amour souvent, autant de fois que je voulais combattre mon désir pour les hommes. Ensuite, je me suis de plus en plus masturbé en cachette, devant des hommes en papier glacés et ensuite devant des films de cul… On ne faisait presque plus l’amour. Je faisais semblant de dormir quand elle se couchait le soir… Et puis, l’inévitable arriva. Il y eu les pulsions incontrôlables d’aller vérifier en chair et en os. Je passais souvent dans le village. Je voyais les saunas, mais je n’osais pas y entrer… J’avais entendu parler des buissons au Parc Lafontaine ou encore ceux du Mont Royal, mais je n’osais pas y aller. J’ai jamais été très courageux. Finalement, au lieu d’aller à un de mes cours du soir que j’avais pris à l’UQAM, je suis aller m’enfiler trois shooters à l’Après cours et je suis aller errer dans le Village. Il était presque 22 heures quand je me suis décidé à entrer dans un sauna. Ça faisait presque quatre heures que je tournais en rond, que je m’arrêtais dans un bar, le temps de m’enfiler d’autres shooters… Et finalement, j’entre, je ne regarde jamais le gars derrière son comptoir qui me pose des questions auxquelles je réponds toujours oui. Il me donne une clé, un numéro et une serviette. Je le regarde. Il me sourit, l’air attendrit. Il est beau comme un Dieu. Je monte les escaliers. Je remarque une chose : Le silence. J’ai peur, mais je suis excité comme une jeune mariée. Je suis resté 15 minutes en tout. Mon premier amant fut une histoire de quelques minutes. Une histoire de respirations toujours plus fortes et d’un « climax » incroyable. Du silence et des frissons après. J’ai toujours eu les yeux qui voyaient très bien dans la pénombre, mais je n’ai photographié aucun visage. Je crois même que j’ai eu les yeux fermés tout le long. C’était devenu une habitude, avec April, je fermais les yeux et j’imaginais que j’étais avec un de mes modèles de revue ou un des acteurs pornos vus dans un de mes films. Déformation professionnelle! La seule différence, cette première fois-là, c’est que ce que mes mains touchaient correspondait à mes fantasmes… J’étais sûrement venu très vite… Trop vite. Je m’étais sauvé en courant, en oubliant de redonner la serviette blanche (que je garde toujours en souvenir.) Mes expériences silencieuses étaient espacées de plusieurs jours, souvent des semaines au début. Jusqu’à ce que, par un vrai hasard, j’aille aux toilettes publiques au sous-sol du pavillon Judith Jasmin à l’UQAM. Ce qui se passa sous les néons impudiques de ces toilettes me fascina. Un superbe latino était aux urinoirs. Je m’y installe. Je sens qu’il me regarde. Je regarde en détournant à peine la tête. Il me montre sa queue bandée et se masturbe. Je suis figé. Il s’approche de moi et m’embrasse fougueusement. La peur de se faire attraper, mêlé à sa presqu’insolence me fit perdre la raison. Ça ne dura encore que quelques minutes, mais je l’avais regardé tout le long. Il était parti très vite en me disant en espagnol qu’il aimerait me revoir… Je crus que j’étais amoureux pour la première fois. Je crus que c’était l’homme de ma vie. Mon prince charmant. Je me mis à faire des détours par l’UQAM, à rester des heures aux toilettes, à l’attendre. Je le revis plusieurs fois. Je connus d’autres hommes. Je rentrais de plus en plus tard, le soir, chez moi. J'habitais avec April et nous commencions notre 3e années de couple dans un petit quatre et demi au métro Laurier. Elle commençait à se douter de quelque chose. En plus, j’étais très mauvais menteur. Je lui cachais à peine la vérité. En fait, j’espérais qu’elle le découvre et qu’elle me quitte, au lieu d’avoir à programmer un souper ou j’aurais à verbaliser ce que je suis. J’étais habitué au silence. Trop. Je n’arrivais plus à me concentrer sur mes devoirs. J’étais crevé, agressif même. Mon esprit n’était habité que par des tonnes et des tonnes de queues, de fesses bondées, de torses poilus, de couilles rasées…

N’en pouvant plus, je décidai de jouer la carte de l’honnêteté avec cette femme que j’étais en train de blesser sévèrement, alors que je l’aimais sincèrement, quand même! Je ne voulais pas la perdre. Décidé à lui parler de mes dernières découvertes, je lui avais acheté un énorme bouquet de roses jaunes (je m’étais toujours demandé dans quelle occasion on pouvait bien offrir des roses jaunes, cette occasion c’était présentée. Pathétiquement!) et j’étais entré tôt à l’appartement. Renonçant à mes amants potentiels de ce soir-là. Non sans regrets (J’espérais toujours revoir mon bel étalon espagnol. Ça faisait des semaines que je ne l’avais pas revu. J’étais un peu désespéré.) Mais avec la conviction profonde que c’est ce que je devais faire.

April avait lu en moi. Depuis longtemps. C’était une complice merveilleuse. Elle m’attendait avec un souper spécialement fait pour parler longtemps : Une fondue. Elle avait choisi des bouts de poitrines de poulets, prétextant que le bœuf se mangeait très mal avec le vin blanc. Je lui avais répondu qu’elle aurait dû acheter du vin rouge, qu’en fait, nous préférions tous les deux le rouge. Elle me regarda et rétorqua :
--- Le vin rouge c'est pour le making love, le vin blanc, it's for conversation… We have to talk.
J’en avais avalé ma pomme d’Adam. Elle m’avait tant donné. Avec elle, j’avais appris que j’étais un homme, un vrai homme qui peut plaire. Au fil des premiers mois avec elle, j’avais perdu mes rondeurs latentes de l’enfance et de l’adolescence. Je n’avais plus été le « petit gros », mais un homme presque bien dans sa peau. À mon grand étonnement, elle ne m’avait pas acculé au pied du mur. Elle attendait que je lui parle de ce qui m’avait tant changé dans les derniers mois. Je le savais. J’essayais de trouver une phrase magique pour détendre l’atmosphère. Le silence se prolongeait. Le silence était une chose assez rare entre nous deux, moins depuis les derniers mois, mais un silence comme celui-là, c’était la première fois. Nous avions la réputation d’être deux verbomoteurs. Je me lançai finalement, avec une phrase qui en valait bien une autre :
--- Tu te doutes de quelque chose?
--- Non. Je sais, Maximum. Me répondit-elle sèchement. J’attends juste que tu te décides à m’en parler parce que je ne suis plus heureuse dans cette situation.
--- Moi non plus.
--- Alors? Tu attends quoi pour me le dire?
C’était une des grandes qualité de April, elle respectait toujours l’évolution de chacun. Surtout celle des êtres qu’elle aimait. Je me lançai.
--- Écoute, ce n’est pas une autre femme.
--- I khow.
Je croyais la soulager un moment, mais au contraire, elle attendait le reste avec la même expressive de douceur mêlée de détresse dans le fond de l’âme.
--- April, tu vois trop clair en moi… Tu sais ce qui se passe…
--- Il faut que tu le dises.
--- Pourquoi?
--- J’ai l’impression que tu seras jamais toi si tu le verbalises jamais… Tu m’inquiètes, tu sais? Arrêtes de penser à moi. Qu'est-ce qui se passe, Max?
--- Je… J’aime les hommes, April.

Au lieu de fondre en larmes ou quelque chose du genre, comme je l’aurais imaginé, elle sourit. Elle prit une de mes mains et me regarda droit dans les yeux. Elle me dit que ça faisait des mois qu’elle avait trouvé la cachette où je camouflais mes fantasmes. Qu’elle l’avait toujours su dans le fond. Et qu’elle était une excellente « pratique » en ce moment pour sa sœur qui finissait un BAC en psychologie.

La suite du souper fut assez détendue. Nous parlâmes comme si nous étions les plus vieux amis du monde. Elle écouta, rayonnante, toutes mes histoires d’un soir, mes escapades furtives, presque sans broncher. Elle versa quelques larmes. Moi aussi. Mais elle me disait de continuer. En vidant la troisième bouteille de blanc, elle me dit :
--- Maintenant que tu l'as dit, que tu ne me mens plus, que tu ne te mens plus non plus, il faut que tu arrêtes de t’éparpiller de la sorte. Tu sais ce qui serait merveilleux? Ce serait que tu rencontres un homme qui va te donner autant que tu sais donner. Un homme qui va t’aimer comme moi je t’aime… Enfin, je veux dire…
Ses yeux se remplirent d’eau très vite. De grandes rivières envahirent ses joues.
--- But, continua-t-elle, je serai toujours là, tant que tu auras besoin de moi.
--- Mais toi, tu…
--- T ‘en fais pas pour moi. Je suis moins désemparée que tu peux le penser.
En fait, elle avait déjà quelqu’un d’autre en vue. Un nouvel employé à son travail qui lui tournait autour depuis des mois. Elle le trouvait très intéressant. Et il était tenace, c’était une qualité. Elle avait accepté un rendez-vous avec lui la veille de notre conversation.

C’était cette semaine-là où j’avais appelé Flo dans l’espoir qu’il soit un compagnon d’exploration. April fut consciente que j’avais besoin de sentir qu’il y avait toujours quelqu’un dans ma vie. Et elle vint explorer les bars du Village avec moi. Elle accepta de rester l’image de ma femme devant ma mère encore pendant un bon moment. Jusqu’à ce que mon père vienne à Montréal et qu’il nous invite à un souper. C’était le temps des fêtes et la tradition voulait qu’il invite ma mère pour le souper de noël à chaque année. Toute ma famille était donc là. April me tenait la main pendant que je disais à mes parents que j’étais gai. Mon père ne le prit pas mal. Au contraire, il me dit simplement qu’il était conscient de n’avoir pas été beaucoup là et qu’il était donc très mal placé pour faire des remarques. Il ajouta qu’à l’étranger, beaucoup de ses collègues étaient gais et qu’il les appréciait beaucoup. Ma mère se leva, très droite, et elle partie s’enfermer dans les toilettes. C’est April qui alla la rejoindre. Elles restèrent là pendant trois quarts d’heure. Quand elle revinrent, ma mère me prit dans ses bras. Nous mangeâmes nos desserts en silence. Ce fut dans les bras de April que je pleurai ce soir-là.

M. était un cousin de April. Je l’avais souvent vu et il me plaisait beaucoup, même avant de le savoir. Quand April parti pour continuer ses études à Londres, c’est un peu à lui qu’elle me confia. Il vint avec moi la reconduire à l’aéroport. Quand elle passa derrière les portes vitrées et que je la vis retenir ses larmes, il me prit par l’épaule et me demanda avec sa voix rauque si je voulais venir avec lui prendre un verre. Je l’avais suivi. Il habitait un vieux loft sur la rue Ontario. Cet endroit lui servait à la fois d’appartement et à la fois d’atelier. Il était peintre. Il ne parlait pas beaucoup. Mais il était là. Il m’accueillait chez lui, sans dire un mot et nous dormions en cuillère. J’avais essayé d'aller plus loin au début, mais il avortait toujours l’action. Pas qu’il n’était pas gai. Il était en fait bisexuel. Il avait eu une vie sexuelle très active, avec énormément d’expériences… Et maintenant, il ne baisait plus. Ou presque plus. Il me parla, un soir de téquila dans son loft, qu’il avait découvert que l’énergie créatrice qui le faisait peindre était la même énergie que l’énergie sexuelle. Il se trouvait, et voulait y demeurer, dans cette phase de création complète. Une fusion parfaite avec son art. Il me parla aussi de tantrisme, de méditation, mais tout cela est très vague. J’avais trop bu. Je m’endormis par terre, et me réveillai le lendemain dans ses bras.

La version de April sur son cousin était qu’il avait été très amoureux d’un homme, voici une dizaine d’année. À l’époque, il était au début de sa vingtaine, il prenait beaucoup de drogues et il y avait cet homme. Une passion dévorante qui laisse inévitablement des séquelles parce que cet amour frappe aussi fort qu’une collision à 200 km/h en moto contre un poids lourd. M. avait décidé d’arrêter d’aimer après sa cure de désintoxication.

Un soir, il m’avait dit, entre deux pofs de joints : « Je t’aime bien, tu sais. » C’est ce soir-là où il glissa pour la première fois ses doigts sous l’élastique de mon caleçon. Comme cette nuit. Sauf que cette nuit, et c’était comme ça depuis quelques semaines, ce n’était pas moi qui allais sonner à sa porte parce que j’avais le cafard, c’était lui qui venait sonner chez moi. Ce soir, ça avait tombé pile. J’avais besoin de lui. Il était trois heures et 46 minutes. Son sexe, tout dur à travers ses boxers shorts, était posé tout doucement sur la raie de mes fesses. Mon sexe devint tout dur aussi. Je pris un de ses bras dans les miens et je le serrai contre mon cœur. Il parla :
--- Tu ne dors pas?
--- Oui, oui… Je rêve. »

P.S. Je crois qu'aujourd'hui, dix ans plus tard, April est la plus heureuse du monde de savoir que j'ai enfin trouvé l'amour avec mon beau grand black... Nous allons passer els fêtes à London. je ne l'ai pas revu depuis 5 ans!

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